Heinrich Himmler
(1897-1973)


Du petit paysan bavarois au militant zélé
Heinrich Luitpold Himmler naît le 7 octobre 1900 à Munich, sixième enfant d’une famille de la petite bourgeoisie catholique. Son père, Richard, fonctionnaire des chemins de fer, et sa mère, Anna, institutrice, lui inculquent un respect strict de la discipline. Ils lui transmettent aussi un goût pour l’ordre et un attachement à la « pureté raciale » très en vogue à l’époque.
Adolescent studieux mais réservé, Himmler suit des études d’agriculture et de sciences. Dans les années 1920, avant de s’investir pleinement dans le parti nazi, il tente une carrière d’éleveur de poulets. Il travaille brièvement dans une exploitation avicole près de Munich. Il souhaite combiner tradition, germanisme et pureté raciale à travers le travail paysan. Mais l’expérience tourne court : l’exploitation est un échec économique, et Himmler s’oriente peu après vers la politique.
Himmler rejoint le NSDAP en 1923, quelques mois avant le putsch raté de Hitler à Munich. Fanatique nationaliste, antisémite et obsédé par la pureté raciale, il adhère pleinement aux thèses du parti.

La lente ascension dans les SS
Après l’échec du putsch, Himmler gravit patiemment les échelons du parti. En 1926, il reprend la formation des sections d’« assauts spéciaux » (les SA) à Munich. Cependant, il se brouille rapidement avec leur chef, Ernest Röhm, jugé trop brutal et incontrôlable. De fait, profitant de la rivalité, et avec l’appui de Hitler, Himmler fonde en 1929 les Schutzstaffel (SS). Il s’agit d’une unité d’élite chargée de la protection du Parti et de la « préservation de la race ».
Sous sa direction, les SS passent en 10 ans de quelques centaines d’hommes à plus de 250 000 membres. Himmler impose une sélection draconienne : recrutement auprès de « familles aryennes », examens physiques et généalogiques, formation idéologique intense. Il crée également la Gestapo, police politique redoutée de tous, bien qu’elle soit officiellement dépendante de Göring.
Architecte de la terreur d’État
À partir de 1934, après la Nuit des Longs Couteaux — purges sanglantes contre les SA —, Himmler devient Reichsführer-SS, n° 2 du Parti. Il participe à l’écrasement de toute opposition. Également, il supervise la construction des premiers camps de concentration (Dachau, puis Sachsenhausen, Buchenwald). Dans ces camps sont internés communistes, socialistes, Témoins de Jéhovah, homosexuels, Roms, « asociaux ».
En parallèle, il lance des recherches pseudo-scientifiques sur la « race », institue des programmes d « hygiène raciale », d’euthanasie des handicapés (action T4). Enfin, il organise l’exclusion des Juifs de la société allemande. Himmler, bureaucrate méticuleux, rédige des directives détaillées pour la persécution et la déportation, transformant la violence en une machinerie administrative.
L’homme de la « solution finale »
Après l’invasion de l’URSS en 1941, Himmler prend en charge la lutte contre le « bolchevisme ». Mais surtout, il est en charge de l’extermination systématique des Juifs d’Europe. Ainsi, lors de la Conférence de Wannsee (20 janvier 1942), il délègue à Heydrich l’organisation de la « solution finale ». Mais il garde la haute main sur sa mise en œuvre logistique.

MARION DOSS-FLICKR
Sous sa direction, sont mis en place les camps d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Belzec. Dans ces camps, plus d’un million de Juifs, ainsi que des dizaines de milliers de Roms, Polonais et prisonniers de guerre soviétiques, seront gazés et incinérés. Himmler visite personnellement certains sites, s’assure de leur « efficacité » et veille à la confidentialité totale des opérations.
Le lieutenant fidèle et impitoyable
Tout au long de la guerre, Himmler reste d’une loyauté fanatique à l’égard de Hitler. Il supervise la répression en Europe occupée, l’instauration de la terreur à Theresienstadt, à Minsk, en France, aux Pays-Bas. Il organise la capture et la déportation des Juifs dans tous les territoires sous contrôle allemand.
Malgré la débâcle militaire de 1943 – 1944, il tente de maintenir le pouvoir des SS. Il propose à Hitler des armes miracles (les missiles V2), et projette même de négocier une paix séparée avec les Occidentaux fin 1944 – début 1945, pour sauver l’oligarchie nazie. De fait, il entre en contact avec la Croix-Rouge et autorise quelques libérations de prisonniers. Mais surtout, en avril 1945, il essaie même d’entrer en contact avec les Américains. Hitler, apprenant cela, entre dans une rage folle. Il le révoque de toutes ses fonctions le 28 avril 1945, l’accusant de trahison. Dès lors, Himmler devient un fugitif, errant dans une Allemagne en ruines, déguisé en simple soldat.
Chute, arrestation et suicide
Au final, capturé par les Britanniques le 23 mai 1945, il se suicide en prison quelques heures plus tard, en croquant une capsule de cyanure cachée dans sa bouche. Il emporte avec lui ses secrets. Son corps est enterré dans une tombe anonyme.
L’ombre monstrueuse de la bureaucratie du mal
Heinrich Himmler incarne la face la plus froide et méthodique du nazisme. L’homme était un fonctionnaire zélé, obsédé par l’ordre racial, et capable de planifier l’extermination de masse comme on organiserait un service postal. Son ascension, son amour du cérémonial SS, son culte de la discipline en font un boucher bureaucratique. Son nom reste indissociable de la Shoah, de la terreur d’État, et de l’idéologie génocidaire la plus aboutie de l’Histoire. Himmler fut le bras armé d’un système totalitaire. Il en maîtrisait chaque ressort administratif, montrant que la barbarie peut s’exprimer dans la rigueur la plus implacable.