Au début de l’année 1944, les cartes ont changé de main. En effet, désormais, c’est l’Axe qui recule, lentement mais sûrement, acculé à défendre un territoire immense qu’il ne peut plus contenir. L’élan de la Blitzkrieg s’est brisé dans les ruines de Stalingrad et dans les sables d’El Alamein. Si l’Allemagne tient encore l’Europe d’une main de fer, ses armées sont épuisées et étirées sur plusieurs fronts, rongées par l’usure et le froid. De son côté le Japon recule île après île, ses convois sont coulés par centaines, ses avions décimés et sa marine affaiblie. Toutefois, rien n’est encore joué. Chaque avancée coûte cher en vies humaines. Car Hitler comme Hirohito n’envisagent ni paix ni reddition. Seule la destruction totale pourra clore le chapitre de la reconquête.
L’opération Bagration
En premier lieu, c’est à l’Est que la guerre va s’intensifier dès les premiers jours de l’année 1944. L’Armée rouge, réarmée et galvanisée par ses victoires précédentes, lance une série d’offensives d’une ampleur encore jamais vue. En janvier, le siège de Leningrad, qui durait depuis plus de deux ans, est enfin levé, brisant le plus long siège de l’Histoire moderne. Ensuite, tout au long du printemps, les troupes soviétiques libèrent l’Ukraine, franchissent le Dniepr, percent les lignes allemandes en plusieurs points, et infligent des pertes colossales aux divisions de la Wehrmacht. Enfin, l’opération Bagration, déclenchée en juin, pulvérise le groupe d’armées Centre en Biélorussie. Plus de 300 000 soldats allemands sont mis hors de combat en quelques semaines. Minsk est reprise. La Pologne est en vue. À ce rythme, l’Armée rouge atteindra Berlin avant l’hiver.
Les Alliés à la conquête de l’Italie
Sur le front italien, la lente remontée entamée en 1943 se poursuit. Seulement l’Italie n’est pas une route facile : montagnes, vallées étroites et fortifications naturelles rendent l’opération difficile. De plus, les forces allemandes se retranchent sur la ligne Gustav, une redoutable ligne défensive coupant la péninsule. Au centre de cette ligne, Monte Cassino, dominée par une abbaye millénaire perchée sur un piton rocheux, devient un verrou sanglant. Plusieurs assauts alliés échouent. Finalement, après de violents bombardements, l’abbaye est détruite en février, et la position tombe en mai.
Pendant ce temps, un débarquement stratégique à Anzio, près de Rome, tourne au piège : les troupes américaines, mal soutenues, s’enlisent face à une contre-offensive allemande féroce. Rome n’est libérée que le 4 juin 1944, deux jours avant un événement qui va changer le cours de la guerre : le débarquement en Normandie.
L’ouverture d’un second front : le débarquement en Normandie
En effet, depuis des mois, les Alliés préparent dans le plus grand secret une opération titanesque : l’ouverture d’un second front en Europe, pour soulager les Soviétiques et attaquer l’Allemagne de front. Cette opération, baptisée Overlord, mobilise des centaines de milliers de soldats, des milliers de navires, des unités aéroportées, un appareil logistique gigantesque. L’objectif : débarquer en Normandie, briser le mur de l’Atlantique, et établir une tête de pont pour reconquérir la France. Ainsi, le 6 juin 1944, à l’aube, les premières barges touchent les plages : Utah, Omaha, Gold, Juno, Sword. Les Allemands, surpris malgré les rumeurs d’invasion, opposent une résistance féroce, surtout à Omaha Beach. Malgré cela, à la fin de la journée, la tête de pont est en place. L’Europe occupée voit enfin le retour des armées de la liberté.
Vers la libération de Paris
S’en suivent des semaines de combats harassants dans le bocage normand, terrain difficile et morcelé, défendu avec acharnement par les troupes de la Waffen-SS. Les Alliés, freinés dans leur progression, doivent user de toute leur puissance aérienne, de leurs blindés et de leur supériorité logistique pour avancer. Le 21 juillet, Saint-Lô tombe. Par la suite, vient l’opération Cobra, qui permet une percée décisive vers l’intérieur du pays. La poche de Falaise, en août, devient elle un piège mortel pour les Allemands, encerclés et pilonnés sans relâche. Au final, le 25 août 1944, Paris est libérée par la 2e division blindée du général Leclerc et la 4e division d’infanterie américaine. De Gaulle entre dans la capitale, salué par une foule en liesse. La République renaît dans les rues encore criblées de balles.
La bataille des Ardennes
Cependant les Allemands n’ont pas encore perdu la guerre. Les lignes logistiques Alliées s’étirent, et à l’automne la ligne de front se stabilise aux frontières de l’Allemagne. Ainsi, Hitler, désespéré, ordonne une offensive à l’Ouest. En décembre 1944, dans les Ardennes, il lance l’opération Wacht am Rhein : une percée audacieuse entre les lignes alliées, dans la neige, le froid, le brouillard. C’est la bataille des Ardennes. Les troupes américaines, surprises, reculent. Bastogne, encerclée, tient grâce à la résistance héroïque de la 101e division aéroportée. Mais les Alliés réagissent vite ! En conséquence de quoi l’offensive allemande échoue, les réserves de la Wehrmacht sont saignées à blanc. Au final, ce sera le dernier sursaut du Reich à l’Ouest.
Le rouleau compresseur soviétique
Pendant ce temps, à l’Est, l’Armée rouge progresse rapidement vers la Pologne. Lublin, Varsovie, Cracovie sont libérées. Cependant, la tragédie s’abat sur les résistants polonais de l’Insurrection de Varsovie. En effet, en août, alors que l’Armée rouge est aux portes de la ville, les résistants se soulèvent contre les nazis. Mais Staline ordonne de ne pas intervenir. Dès lors l’insurrection sera écrasée dans le sang et la ville rasée par les nazis. L’Allemagne perd peut-être du terrain, mais la Pologne perd elle une génération entière.
Carte : la situation en Europe fin 1944
L’Axe
Conquêtes de l’Axe
Alliés de l’Axe
URSS
Conquêtes de l’URSS
Les Alliés
Conquêtes des Alliées
Pays neutres
La coûteuse reconquête du Pacifique
De l’autre côté du globe, dans le Pacifique, la guerre continue avec une brutalité implacable. Les Marines progressent dans la stratégie du « saut d’île en île », et reprennent peu à peu l’espace conquis par le Japon. Cependant,les batailles sont de véritables cauchemars : Tarawa, Saipan, Guam. Chaque île est défendue par les japonais jusqu’au dernier homme. Les kamikazes apparaissent pour la première fois. Les pertes sont immenses… Malgré cela, l’avancée est continue. Les Philippines, que MacArthur avait juré de reconquérir, sont ainsi enfin abordées en octobre 1944. La bataille du golfe de Leyte, la plus grande bataille navale de l’Histoire, marque la fin de la marine japonaise comme force offensive.
1945 : la dernière année du conflit
Au début de l’année 1945, l’Allemagne nazie, pourtant mutilée, continue de se battre acharnement. Le Japon impérial, fanatisé, ne plie pas. Pourtant tout indique que la fin est proche. En effet, les Alliés avancent sur tous les fronts, et l’industrie de guerre allemande s’effondre. Le IIIe Reich, qui rêvait de durer mille ans s’apprête à agoniser dans ses propres ruines. Cette dernière année de guerre, plus courte que les autres, va pourtant être l’une des plus violentes et des plus tragiques de toute l’histoire moderne.
L’horreur d’Aushwitz
Tout d’abord à l’Est, l’Armée rouge se remet en mouvement avec une puissance sans précédent. En janvier elle déclenche l’offensive Vistule-Oder : en quelques semaines, les troupes soviétiques balayent les lignes allemandes, avancent de plus de 500 kilomètres et atteignent l’Oder, aux portes mêmes de l’Allemagne. Varsovie, enfin libérée, n’est plus qu’un champ de ruines. Puis, le 27 janvier, les soldats de l’Armée rouge entrent dans un lieu dont le nom deviendra, à jamais, celui de l’abîme : Auschwitz. Ils y découvrent l’indicible. Les fours crématoires, les baraquements, les valises entassées, les monceaux de chaussures, de lunettes, de cheveux. Des survivants hagards, faméliques, à demi morts, racontent ce qu’ils ont vu et subi. Le monde comprend, enfin, ce que voulait dire la « solution finale ». L’horreur dépasse l’entendement.
Les Alliés franchissent le Rhin
À l’Ouest, les Alliés, renforcés et déterminés, repoussent les dernières attaques allemandes. Dès février, les offensives reprennent. Le Rhin est franchi. Les forces alliées progressent rapidement à travers la Rhénanie, contournent la ligne Siegfried, prennent Cologne, Mayence, Francfort. Le cœur industriel du Reich tombe entre leurs mains.
Également, dans le ciel, les bombardiers alliés déversent des tonnes de bombes sur les villes allemandes. C’est notamment le cas à Dresde, en février 1945. En quelques heures, une ville magnifique, centre culturel et baroque, est réduite en cendres par une tempête de feu. Des dizaines de milliers de civils y trouvent la mort. Ce bombardement deviendra par la suite l’un des événements les plus controversés de la guerre. En effet, Dresde n’était pas un centre industriel majeur, et rien n’indiquait qu’elle joue un rôle militaire décisif. Churchill s’interrogera même dans une note d’état major sur l’opportunité de ce bombardement.1
La fin de Mussolini
En Italie, la reconquête continue. Les troupes alliées atteignent enfin le nord du pays. Et dans les derniers jours d’avril, Benito Mussolini, en fuite, est capturé par des résistants italiens. Il est fusillé, puis son corps ainsi que celui de sa maîtresse pendus par les pieds sur une place de Milan, exposé au regard de tous.
La fin du nazisme
Dès lors c’est à Berlin que se joue le dernier acte du drame européen. L’Armée rouge lance, à partir du 16 avril, une gigantesque offensive pour s’emparer de la capitale du Reich. Les combats sont d’une intensité inouïe. Quartier par quartier, immeuble par immeuble, les troupes soviétiques avancent, au prix de dizaines de milliers de morts. Les Allemands, civils comme soldats, résistent avec fanatisme.
Le suicide d’Hitler
Dans le même temps, dans le bunker de la Chancellerie, Hitler, isolé, paranoïaque, malade, refuse de voir la réalité. Il donne des ordres absurdes, déplace des divisions qui n’existent plus, accuse ses généraux de trahison, son peuple d’indignité. Au final, le 30 avril 1945, alors que les Soviétiques sont tous proches du bunker, Adolf Hitler se suicide, aux côtés d’Eva Braun, qu’il a épousée la veille. Goebbels l’imite peu après. Le Reich n’a plus de chef.
La capitulation sans conditions des allemands
Le 2 mai, Berlin capitule. Le 7 mai, dans un lycée de Reims transformé en QG des forces alliées, l’état-major allemand signe la capitulation, qui prévoit l’arrêt des combats le 8 mai à 23h01. Seulement pour Staline, l’URSS mérite d’être au cœur de la signature finale. En conséquence de quoi il rejette l’accord signé à Reims et exige qu’un nouvel acte de capitulation soit signé à Berlin, en présence de son commandement. Ce sera chose faite le 8 mai au soir, dans la banlieue de Berlin. Le maréchal Joukov représente l’URSS. Le général allemand Keitel signe, devant les Alliés, l’acte de reddition sans condition. L’entrée en vigueur du cessez-le-feu est maintenue au 8 mai à 23h01, comme prévu à Reims. En Europe, la guerre est finie.
La victoire a coûté un prix incommensurable. Des dizaines de millions de morts, des villes rasées, des peuples déplacés et des familles détruites.
Vers la fin de la guerre dans le Pacifique
Cependant, dans le Pacifique, la guerre n’est pas finie. Et elle est toujours plus meurtrière. Les Américains, appliquant leur stratégie du saut d’île en île, atteignent en février Iwo Jima, puis en avril Okinawa, à quelques centaines de kilomètres du Japon. Les combats y sont d’une brutalité absolue. Les soldats japonais, retranchés dans des tunnels ou des grottes, refusent de se rendre. De même, les civils aussi se suicident plutôt que de tomber aux mains des envahisseurs. Par conséquent les pertes sont astronomiques : plus de 200 000 morts à Okinawa, dont une majorité de civils.
Dès lors l’état-major américain comprend alors que l’invasion du Japon coûterait probablement des millions de vies. Un coût trop élevé pour les autorités américaines et l’opinion publique, qui souhaite que la guerre prenne fin. C’est pourquoi, notamment, est alors prise la décision d’utiliser une arme nouvelle, dévastatrice, pour contraindre le Japon à capituler : l’arme atomique.
Carte : la victoire des Alliés dans le Pacifique – 1945
Empire Japonais le 2 septembre 1945
Alliés du Japon
Alliés
Régions libérées par les Alliés
Frontières de l’empire Japonais le 2 septembre 1945
Le succès du Projet Manhattan
En effet, dans le plus grand secret depuis 1942, des scientifiques sous la direction de Robert Oppenheimer ont mis au point une arme nouvelle, fondée sur la fission nucléaire : la bombe atomique. C’est le Projet Manhattan. Le 16 juillet 1945, la première explosion a lieu à Alamogordo. L’arme fonctionne et est prête à être utilisée. A la base, elle était destinée à servir contre les nazis. Mais la guerre étant terminée en Europe, elle servira donc contre le Japon. Truman, devenu président après la mort de Roosevelt en avril, choisit de l’utiliser pour hâter la fin de la guerre, mais aussi envoyer un message au monde, et surtout à Staline…
Les bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki
Ainsi, le 6 août 1945, un bombardier B-29, l’Enola Gay, largue la première bombe atomique sur Hiroshima. En quelques secondes, la ville est anéantie. Plus de 70 000 morts instantanés, des dizaines de milliers d’autres dans les jours et mois suivants. Le Japon hésite, mais ne se rend pas.
Par ailleurs, le 8 août, conformément à la promesse faite à Yalta, l’Union soviétique déclare la guerre au Japon et envahit la Mandchourie, infligeant une défaite rapide à l’armée japonaise du Kwantung.
Le 9 août, les américains larguent une seconde bombe, cette fois-ci sur la ville de Nagasaki. Acculé de toutes parts, l’empereur Hirohito décide de capituler. Le 15 août 1945, il annonce la reddition à la radio, dans une allocution voilée de métaphores, mais historique. Enfin, le 2 septembre 1945, à bord du cuirassé Missouri, dans la baie de Tokyo, le Japon signe la capitulation. La Seconde Guerre mondiale est terminée.
Un bilan terrifiant
Lorsque les armes se taisent enfin, le monde évalue l’ampleur du conflit : 60 à 80 millions de morts, militaires et civils confondus, soit près de 3 % de la population mondiale de l’époque. L’Europe est en ruines : villes rasées, infrastructures anéanties, millions de déplacés errant sur des routes encombrées. La guerre a révélé l’horreur industrielle des camps de concentration et d’extermination nazis, avec la Shoah qui a coûté la vie à environ six millions de Juifs, ainsi qu’à des millions d’autres victimes du régime.
Du côté de l’Asie, les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki ont précipité la capitulation du Japon mais inauguré l’ère nucléaire. Les empires coloniaux européens sont ébranlés : le processus de décolonisation est lancé. Sur le plan géopolitique, un nouvel ordre mondial se met en place : les États-Unis et l’Union soviétique émergent en superpuissances rivales, lançant la Guerre froide. L’Organisation des Nations unies est créée pour tenter d’éviter un nouveau conflit mondial. Mais, derrière les célébrations de la victoire, le traumatisme et les cicatrices, visibles ou invisibles, marqueront durablement les générations à venir.
